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13 novembre 2022

Colonisation de l'Algérie et symbolisme colonial, aux origines de la discorde

 

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Ce qui caractérise la représentation coloniale et, osons le dire, celle postmoderne occidentale, c'est souvent le manque de rigueur et l'incohérence du discours historique concernant la colonisation. L’anthropologie coloniale avait bien d’autres priorités que de s’encombrer de comparatisme ; elle fut l’artisane d’une science spécifique qui, tel un long et singulier monologue, se chargea de définir l’Algérien selon les canons obstinés de sa propre logique. L’histoire officielle, qui s’est forgée des deux côtés de la Méditerranée et que se partagent la France et l’Algérie, a insisté sur cette épopée guerrière que furent la conquête et la guerre de libération, en mettant sous le boisseau cette histoire longue, cette histoire largement méconnue de la colonisation et du système colonial.

Préambule


« Le corps expéditionnaire français n’a pas rencontré de territoire vacant
en Algérie. Il a été contraint de faire face à une formation sociale
économique et historique, hostile à sa pénétration et à celle des rapports
sociaux de production capitalistes qu’il a véhiculés ». Avant cette intrusion,
les Algériens avaient leur propre système de production basé
essentiellement sur la propriété arch et l’inaliénabilité de la terre et dont la
dimension fondamentalement sociale a toujours assuré la cohésion de la
société. La forme d’exploitation colonialiste qui fut imposée aux Algériens
ne fut, « en dernière analyse, qu’un moyen pour le capitalisme de produire
intensivement, en recourant aux « principes idylliques de l’accumulation
primitive », la logique de son fonctionnement. Le colonialisme est l’avantgarde
dont le rôle est d’instaurer par la violence, accoucheuse de toute société
en gestation, la privatisation des moyens de production et son corollaire, la
libération de la force de travail, de développer les échanges et de généraliser
la monétarisation. C’est le « cheval de Troie » du capital pour soumettre les
économies naturelles, les procès de production et de distribution noncapitaliste
à la loi de la valeur. C’est une phase non-économique qui a
répondu à des contingences du capitalisme à un moment donné de son
évolution ».

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Au cours de son histoire, la France a connu plusieurs périodes critiques
qui furent déterminantes et qui la poussa à élaborer une stratégie impériale,
puis coloniale.
En 1784, des bouleversements climatiques majeurs, conséquences de
l’explosion d’un volcan islandais, s’abattent sur les campagnes françaises,
famines et crises politiques se succèdent.

L’explosion du volcan Laki entraîne, à partir de 1784, des années de
disette et de misère pour les populations, essentiellement paysannes de
l’Europe.
Un nuage mortel composé de dioxyde de soufre s’abattit alors sur la
France et détruisit presque toutes les récoltes. L’instabilité politique et la
situation désespérée des paysans concoururent au déclenchement de la
révolution de 1789.


En 1808, Napoléon Ier dépêche le capitaine Boutin, officier du génie,
afin de relever la position des défenses algériennes et préparer un plan de
débarquement qui servira, plus tard, de plan d’invasion lors de la conquête
de l’Algérie en mai 1830. Napoléon nourrissait le projet de mener une
expédition en Afrique du Nord, dans le but de mettre en échec la politique
commerciale et l’influence de l’Angleterre. A sa suite, Charles X, à court de
trésorerie, décide de monter une « expédition punitive » sur les côtes
algériennes, suite à l’affaire du coup d’éventail d’avril 1827. Cette opération
militaire doit lui permettre de détourner l’attention de l’opinion publique
et la colère du peuple parisien suite à des difficultés intérieures.
L’immense trésor que constitue la fortune du Dey d’Alger attise sa
convoitise et celle de quelques industriels et aventuriers français. S’emparer
de ce trésor représentait l’un des objectifs de cette expédition.

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Le 5 juillet 1830, le débarquement est consommé alors que la France
était liée par un traité de paix et d’amitié avec la Régence d’Alger. Charles
X, en faisant main basse sur les immenses richesses de la Régence (estimé à
plus de cinq milliards d’euros actuels), envisage de constituer des fonds
secrets qui serviront à financer une vaste entreprise de corruption du corps
électoral et à consolider son opposition contre les républicains.
Mais avant cet épisode, rappelons que la Régence, par l’intermédiaire
de deux négociants algériens Busnach et Bacri, juifs livournais d’origine,
fournissent à la France de grandes quantités de blé, la première fois en
1795-1796 destinées aux armées du Directoire auquel le Dey d’Alger
avance même de l’argent. Une deuxième fois destinées à l’armée de
Bonaparte lors de la campagne d’Égypte de 1798 à 1801 ; l’objectif de
Bonaparte est de s’emparer de l’Égypte et de l’Orient dans sa lutte contre la
Grande-Bretagne, l’une des puissances hostiles à la France révolutionnaire.
Le reste de l’Europe est coalisée contre la France et ses idées « subversives »
qui ne font pas bon ménage avec les monarchies. La France est en pleine
crise économico-financière et les famines se succèdent. Il ne reste que deux
alliés : la Régence et le Dey d’Alger.

Les créances des Bacri et Busnach, autopsie d’un complot


Il est aujourd’hui avéré que les créances des deux négociants Bakri et
Busnach, qui avaient fourni à la France en guerre une importante quantité de
blé et qui détenait le monopole du commerce des céréales dans la Régence
d’Alger, avaient bel et bien été payées ; créance qui, d’ailleurs, restera assez
longtemps impayée mais qui en réalité avait fait l’objet de plusieurs
remboursements bien avant 1830. Règlement de la dette qui fut dissimulé au
Dey d’Alger. Le contentieux de cette affaire délictueuse et fictive à la fois
servira, pourtant, avec la complicité de ces sinistres individus, de prétexte au
débarquement français comme développé ci-dessous.
« D’année en année, les dettes de la France envers ces deux familles enflèrent
démesurément d’autant plus facilement que ces dernières se montraient très
conciliables quant aux délais de paiement. Mais finissant par vouloir récupérer
leur dû, et devant à leur tour payer des dettes au Dey d’Alger, ils convainquirent
ce dernier de porter les deux affaires ensemble auprès de la France. Une fois à
Paris, le représentant de la maison Bacri, Jacob Bacri, écrira au sujet des
négociations menées avec Talleyrand : « Si le Boiteux n’était pas dans ma main,
je ne compterais sur rien ». Mais même après avoir reçu un acompte de quatre
millions de francs par l’intermédiaire de Talleyrand, les Bacri et Busnach ne
rendirent pas les 300 000 francs qu’ils devaient au Dey d’Alger, poussant même
ce dernier à monter le ton envers Bonaparte en lui écrivant que leur argent
devait être considéré comme le sien et donc une question d’honneur… qui
pourrait dégénérer en affaire d’Etat. En 1803, Jacob Bacri écrivait donc à
Busnach qu’il fallait « faire écrire par notre maître [le Dey] au Petit [Bonaparte]
une lettre dans laquelle il est mentionné que l’argent réclamé par Bacri et
Busnach est à lui et qu’il les prie de le faire payer à cause de lui ». L’affaire de ces
créances ennuya tellement Napoléon qu’il pensa même à l’idée de lancer une
expédition contre Alger, y envoyant en reconnaissance un chef de bataillon du
génie, Vincent-Yves Boutin, du 24 mai au 17 juillet 1808 auprès du consul
Dubois-Thainville, afin qu’il puisse y rédiger un rapport sur l’éventualité d’une
telle action militaire. Mais les événements européens empêchèrent la réalisation
d’une telle entreprise. Nullement touchés par les soubresauts européens, les Bacri
gonflaient leurs intérêts année après année jusqu’à ce que leurs dettes réclamées
atteignissent 24 millions de francs.


Ils mirent de leur côté le nouveau consul général d’Alger Pierre Deval,
nommé par Talleyrand durant la courte période où il fut président du
Conseil (9 juillet-26 septembre 1815), lequel traînait derrière lui une
réputation sulfureuse d’escroc et d’homme retors. Si retors et perfide que les
Européens d’Alger le tenaient en piètre estime et s’appliquaient
scrupuleusement à ne pas répondre aux invitations qu’il leur envoyait afin de
participer aux grandes cérémonies organisées par le consulat général… C’est
dans ce climat d’insolite rouerie autour du Dey d’Alger que l’affaire du
fameux coup d’éventail allait se produire ».1

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Le 29 avril 1827, le Dey Hussein et le consul Deval et le coup de l’éventail.
Chafik T. Benchekroun. L’Affaire d’Alger (1827-1830). Le Maghreb contemporain juin 2012.


Son caractère, son éducation ou bien plus sûrement sur ordre de son ministre ?
Comment Deval, connu comme un homme tout en courbettes, a-t-il
brusquement trouvé l’audace de contrer en public le Dey ? On peut supposer que
celui-ci, lors de la réception officielle du Baïram (fête de l’Aïd en turc) du 27 avril
1827 où il porta le fameux “coup d’éventail” au Consul français, soit tombé
simplement dans un piège depuis longtemps mis en place. Ce fut le prétexte de la
rupture des relations diplomatiques et du débarquement français, trois ans plus
tard. A partir de cet incident, le Consul Deval fera usage de tous les moyens pour
envenimer les choses. Le gouvernement français adressera au Dey un ultimatum
insultant, dont on n’ignorait pas au bord de la Seine qu’il serait rejeté par Alger.
Et c’est la rupture voulue et minutieusement préparée depuis de longues années
par Paris ».

La colonisation de l’Afrique par l’Europe
prolonge l’entreprise entamée avec la
« découverte » de l’Amérique par
Christophe Colomb en 1492. Elle a
consisté à occuper, souvent par la force,
les territoires africains, à en exploiter
hommes et ressources naturelles au profit
de la puissance colonisatrice, notamment
des compagnies métropolitaines privées,
conçues à cet effet. Cette affaire fut, il est
clair, un prétexte cousu de fil blanc à cette
intervention car, selon Charles-André
Julien, la dette française aurait pourtant
été réglée aux Bacri en plusieurs versements,                                                                                                             comme nous venons de le
souligner.


Le premier en 1800, un acompte de trois millions cent soixante quinze
mille francs et un second d’un million deux cent mille francs aurait été
versé, grâce, encore une fois, à l’intervention de Talleyrand à qui ces
derniers auraient largement graissé la patte. Puis de nouveau, en 1819, sept
millions, toujours grâce à l’intervention de Talleyrand, suite à un vote des
Chambres.

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Talleyrand, ministre des Relations extérieures sous le Directoire.


A la lumière de ces éléments, nous pouvons supposer que tout ce beau
monde était de connivence et que ce plan avait été mûrement élaboré, en abusant le Dey d’Alger, seul créancier valable, donnant ainsi prétexte à  l’intervention française. Le roi de France Charles X, ayant besoin de
reprendre en main son armée, pensant qu’une expédition sur Alger lui
apporterait gloire et butin, mais aussi servirait à payer la solde de ses
soldats.

Une lecture en filigrane


Cela dit, au-delà du factuel et des circonstances inhérentes à cet
épisode peu glorieux, il est plus que nécessaire ici de mettre cette histoire
en perspective, de la contextualiser, en faits, de mettre en relation, dans le
cas qui nous intéresse donc, cette machination, avec les contingences
historiques et les dispositions psychologiques et morales des acteurs de
l’intrigue. Cerner « leur identité », dresser leur portrait psychologique, le
travail d’historien ne pouvant faire l’économie d’une telle approche,
essentielle à la visibilité historique. Certaines vérités parallèles nécessitent
ici d’être exhumées.


Si les Algériens furent étudiés, classifiés, répertoriés, catégorisés par les
sciences coloniales, comme l’entomologiste étudie des groupes d’insectes, il
appartient à la recherche algérienne d’inverser la tendance, et pour
paraphraser Aimé Césaire, nous ne dirons jamais assez que c’est là le grand
reproche que l’on peut adresser au pseudo-humanistes révolutionnaires,
c’est « d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu,
d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et,
tout compte fait, sordidement raciste ».(2)

(2) Aimé Césaire. Discours sur le colonialisme. Éditions PRÉSENCE AFRICAINE, Paris 1955.


Les gardiens des seuils inferieurs


La France, pays des libertés et des grands idéaux, reste hélas toujours
aveugle sur ses forfaitures.
Ce qui caractérise la représentation coloniale et osons-le, celle postmoderne
occidentale, c’est souvent le manque de rigueur et l’incohérence
du discours historique concernant la colonisation.


La France, avec toutefois cette épaisse couche de paternalisme et de
« bons sentiments », donnant des leçons d’humanisme à la terre entière, fit,
le temps d’une colonisation, l’éloge de la folie, de l’aveuglement et de la
démence. Non, en ce qui la concerne, ce n’est plus d’humanisme dont il
faut parler, et encore moins d’humanité, mais de quelque chose d’indistinct
et dont l’objet, la mission, fut soi-disant de propager la civilisation. Dans de
telles circonstances historiques où l’indignation ne fut jamais dans l’air du
temps, ce que la France continue à taire est le signe du malaise sur les
valeurs auxquelles elle était censée croire et qu’elle brada sans jamais les
connaître.


Mais revenons à la question qui nous préoccupe. De quoi parlons-nous
ici et de qui cette histoire fut-elle les protagonistes ? D’abord, des individus
sans lumière, qui furent pour la plupart de faux humanistes ou des
humanistes schizophrènes ou tout simplement des hommes sans honneur.
En premier lieu, un Talleyrand, être amoral, cynique, ambitieux, corrompu,
et pour finir incestueux, celui-là même qui n’hésitait jamais à admettre que
les intérêts de la France coïncidaient souvent avec les siens, rompu aux
intrigues à la fois de la monarchie puis de la République. Un Deval, du
même acabit, à la réputation sulfureuse d’escroc et d’homme retors, vouant une admiration sans borne au « diable boiteux » qui, d’ailleurs, est à l’origine de sa nomination et qui n’hésitait pas à couvrir son mentor
d’espèces sonnantes et trébuchantes, ainsi que de somptueux cadeaux et
œuvres d’art subtilisés au patrimoine algérien.


De Bourmont, passé maître dans l’art consommé de la duplicité qui, au
hasard des changements de régimes, se revendiquera royaliste, puis
républicain et qui, la veille de la bataille de Ligny, trois jours avant
Waterloo, déserta avec son état-major. « Dans sa lettre au général Gérard, son
supérieur hiérarchique qui l’avait cru digne de confiance, l’aristocrate promit
une simple désertion, mais en réalité, il trahit immédiatement en dévoilant les
plans de Napoléon. Au colonel Schutter qui l’accueillit, Bourmont révéla que
l’Empereur s’apprêtait à attaquer Charleroi, puis au général Zieten, Bourmont
indiqua que l’armée française disposait d’un effectif de 124 000 hommes.
Blücher lui adressa à peine la parole, indigné qu’un général pût déserter au
dernier instant, à la veille d’une bataille ». Et pareillement, dans les procèsverbaux
des interrogatoires de De Bourmont, arrêté pour complicité dans
l’attentat de la rue Saint-Nicaise, ces intéressants documents montrent que
l’ancien chouan, tout en conspirant avec les royalistes, informait le ministre
de la Police. Et que dire de ces pitoyables Bacri et Busnach, corrupteurs
invétérés, bradant aux plus offrants la terre qui les avaient accueillis et dont
le seul credo fut d’accumuler richesses et profits. Et pour finir, Charles X,
impopulaire pour ses conceptions absolutistes, la légèreté de ses mœurs et
ses folles dépenses et qui usera de moyens détournés pour se maintenir au
pouvoir. Sa politique ultraconservatrice aboutira au soulèvement de Paris
les 27, 28, 29 et 30 juillet, trois jours de barricades, dites « Les Trois
Glorieuses », détrôné et fuyant la France, il mourra du choléra en exil sur une
terre étrangère.


Servie par de tels hommes, nous comprenons mieux pourquoi la
colonisation de l’Algérie fut si féroce et implacable.
« En 1830, au moment de la conquête de l’Algérie, celle-ci faisait partie
de l’Empire ottoman en pleine décadence. Et ce pays d’outre-Méditerranée
était convoité par toute une partie des détenteurs des grandes fortunes qui
s’édifiaient alors en France grâce au développement de l’industrie.
Ces fortunes reposaient sur l’exploitation éhontée de la classe ouvrière,
une exploitation qui provoqua des révoltes en France, comme celle des canuts à Lyon, en 1830. Elle alla de pair avec l’exploitation des pays coloniaux.


Lorsqu’en juillet 1830 les troupes françaises débarquèrent sur le sol algérien,
les soyeux de Lyon, les armateurs et les négociants de Marseille étaient les
premiers à applaudir aux succès militaires ».
Dans la Revue encyclopédique, Simon de Sismondi expliquait : « Le
Royaume d’Alger ne sera pas seulement une conquête, ce sera une colonie, ce
sera un pays neuf sur lequel le surplus de la population, de l’activité française
pourront se répandre… Que l’Afrique soit ouverte à la France, qu’à deux ou
trois journées de ses côtes, un pays immense dont les neuf dixièmes sont sans
propriétaire, un pays qui offre, au choix, les plus beaux climats de la
Provence, de l’Italie, de l’Espagne ainsi que le climat et le ciel des Antilles,
appelle l’industrie française et elle s’y transportera avec empressement. Elle
créera, dans peu d’années, l’abondance, la sécurité et le bonheur. L’Afrique a
surtout besoin d’hommes qui pensent au profit de l’industrie et d’hommes
qui la garantissent ».


Atlas national illustré de l’Algérie française.


Le ministre de la Guerre de Charles X, le roi de France d’alors, faisait la
part moins belle au progrès. Plus réaliste, il déclara : « La conquête repose sur des impératifs les plus importants, les plus intimement liés au maintien de l’ordre public en France et en Europe : l’ouverture d’un vaste débouché
pour le superflu de notre population et pour l’écoulement des produits de nos
manufactures en échange d’autres produits étrangers à notre sol et notre
climat ». Mais pour masquer cela, les conquérants prétendaient aussi faire
œuvre civilisatrice. Ne venaient-ils pas, disaient-ils en libérateurs, pour
délivrer les populations de l’Algérie de la domination turque ? Sauf que,
loin d’apporter la civilisation, les troupes françaises apportèrent la mort, la
misère et la barbarie.


Le monolithisme qui caractérise la recherche historique en Algérie ne
permet aucunement une lecture unitaire de l’histoire nationale, une
investigation plus poussée, singulièrement inter et pluridisciplinaire est la
seule démarche sérieuse à même de promouvoir une écriture
fondamentalement algérienne. De même, si l’histoire coloniale a fait l’objet
de nombreuses études, la nécessité s’impose à nous, aujourd’hui, de
redéfinir, de repenser le cadre épistémologique même de l’entreprise
coloniale. C’est donc d’une véritable symbolique coloniale dont il s’agit ici
et de la volonté poussée jusqu’au paroxysme que connaîtront les sciences
humaines, de justifier le fait colonial en ayant recours à tout un arsenal
conceptuel et pseudo-scientifique, dont la finalité a été le conditionnement
de masse de toute une société : la société française des XIXe
et XXe siècles.


Toutes ces facettes non encore explorées de l’histoire coloniale nécessitent
une approche nouvelle, fondamentale et pluridisciplinaire à la fois, essentielles
pour comprendre ce que fut véritablement l’utopie coloniale.
Ôtez au colonialisme ses justifications, c’est le mettre devant ses
responsabilités morales et historiques. Comment la France des lumières et
des droits de l’homme a-t-elle pu autant se fourvoyer ? Si l’humilité est la
clé de la rédemption, il faut d’abord pouvoir se mettre à nu et confesser,
qu’en Algérie, la France s’est égarée. Mais la réalité française  contemporaine, somme toute différente, demeure, hélas !, toujours alimentée par des relents de sectarisme qui polluent encore le dialogue
algéro-français, et ce qui vaut pour l’Allemagne n’a pas lieu d’être pour
l’Algérie.


Il est temps que la France admette que l’entreprise coloniale fut à la fois un drame humain, l’expression démesurée d’un abominable dédain, mais aussi une gigantesque action de mystification.
Aujourd’hui, à la lumière des velléités partagées entre les deux pays de
normaliser leurs relations, une question d’actualité reste entièrement
posée : peut-on parler de réconciliation lorsque l’on continue encore à
glorifier le colonialisme ? C’est donc ce passé douloureux qui pèse de tout
son poids sur le présent qu’il nous faut apprendre à mieux connaître. Le
poids de l’idéologie et de la gestion politicienne de ces grandes questions
est semblable à un boulet que traînent la France et l’Algérie.
L’anthropologie coloniale et les sciences humaines ont toujours eu la
mémoire courte. Tous ces concepts imposés, cette dictature de la
schématisation, cette vision clivée, partiale et partielle de l’autre, cet autre
stigmatisé et il va sans dire, autre que « blanc », font que les écritures,
qu’elles soient coloniales ou postcoloniales, demeurent foncièrement
aliénées, car aveuglées par le racialisme qui avait cours à l’époque et dont la
plupart des sources sont imprégnées.
Le poids de l’héritage anthropologique et la représentation altérée et
européocentriste du monde, conséquence de ces héritages, sont non
seulement des perspectives fausses, mais foncièrement fermées. La vérité de
la décolonisation réside dans une nouvelle approche des relations
historiques Nord-Sud, même actuellement, cette représentation demeure
tributaire du prisme politico-médiatique, fortement entaché de mauvaises
intentions, de partis pris et de relents raciaux et demeure, aussi à ce jour,
alimentée par une parfaite méconnaissance des codes culturels des sociétés
du Sud. Or, un tel mythe est condamnable, d’abord parce qu’il est fondé sur
la fausseté, son aliment fut et est toujours le mensonge, et son existence ne
réside, par définition, que dans un domaine distinct de la vérité. Il y a plus
grave, cette histoire n’est pas seulement fausse, elle est simultanément
invraisemblable.
La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 a été
détournée, une première fois, de sont objectif initial, d’universalité : « Les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». En somme, des
valeurs qui principiellement, devaient être partagées par tous. En excluant
le reste de l’humanité, les tenants de la colonisation furent rattrapés par
leurs propres démons.(Télécharger le texte en PDF)

Source maison d'édition :

 

Colonisation de l'Algérie et symbolisme colonial, aux origines de la discorde - Saïd Bouterfa

Par Saïd Bouterfa Thème : Essai / Etude autres Ce qui caractérise la représentation coloniale et, osons le dire, celle postmoderne occidentale, c'est souvent le manque de rigueur et l'incohérence du discours historique concernant la colonisation.

https://www.edilivre.com

 

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